1517

05.02.2020

En bref

Date

05.02.2020

Contact

Nous contacter

Informer et sensibiliser : le regard d’un bénévole engagé

En décembre passé, la Commission d’information (CI) de la FEDEVACO a dit au revoir à Claude Desimoni, engagé à ses côtés depuis près de 13 ans. Nous lui avons demandé son ressenti au sujet du temps consacré à l’information dans la coopération au développement : voici son témoignage.

Membre de la Commission d’information (CI) de la Fedevaco de début 2007 à Janvier 2020, tu as investi bénévolement de nombreuses années à l’accompagnement de projets d’information et de sensibilisation en Suisse : que retiens-tu de cet engagement ?

Avant d’arriver à la Fedevaco, le champ de la coopération au développement, ne m’était pas totalement inconnu. Je m’y étais déjà intéressé durant mes études et avais continué à en suivre l’actualité durant ma vie professionnelle d’enseignant.

La collaboration avec la CI m’a donc permis d’approcher plus concrètement certaines des problématiques liées aux relations Nord-Sud et aux tentatives visant à combler l’écart économique, mais aussi politique et culturel, qui sépare – schématiquement – les deux hémisphères de la planète. Financer des projets d’information et de sensibilisation à l’intention de la population du Nord contribue ainsi à ce même objectif, puisque nombre de clichés et d’informations fausses ou biaisées continuent de circuler ici à ce sujet.

Quelle était ta première motivation lors de ton entrée à la CI ?

Elle était de consacrer une part du temps libre dégagé par la retraite à des activités socialement utiles et intéressantes. Cela dans un cadre si possible sympathique et motivant, poursuivant des visées compatibles avec mes valeurs, mes intérêts et ma vision des relations internationales. Une vision qu’on aurait pu qualifier, à l’époque, d’« altermondialiste ». J’ai globalement trouvé cela à la FEDEVACO, ainsi que dans mes autres engagements (Centrale Sanitaire Suisse Romande, E-CHANGER, ROC-VD[1]…)

Si tu ne devais retenir qu’un projet qui t’a particulièrement marqué ou un souvenir fort, lequel choisirais-tu ?

Difficile d’élire un seul projet, puisque la majorité de ceux que nous avons soutenus avaient tous des aspects porteurs de changements positifs. Cela dit, les projets soumis à la CI par Public Eye (ex Déclaration de Berne) m’ont toujours impressionné par leur sérieux et leur impact en termes de communication.

Outre les projets proprement dits, les activités qui m’ont particulièrement motivé sont celles sont celles faisant occasionnellement appel, au-delà des facultés d’analyse critique des membres de la CI, à leur créativité. Je pense notamment à un petit film de sensibilisation élaboré avec la collaboration d’étudiantes de l’ECAL et intitulé « Un seau sur la tête », visant à illustrer de manière humoristique les problèmes causés dans le Sud par la pénurie d’eau potable.

Je pense également à la petite BD créée par la CI à l’occasion des 25 ans de la FEDEVACO : « Si loin et pourtant si proches ». L’imagination et la création sont, par essence, plus gratifiantes, que l’analyse et la critique et elles ne sont, fort heureusement, pas incompatibles.

Lesquelles de tes compétences et expériences ont-elles été nécessaires à l’évaluation de projets d’information et sensibilisation en Suisse et bénéfiques aux projets soutenus par la Fedevaco ?

Le principal prérequis est, selon moi, l’intérêt pour la problématique des relations Nord-Sud, ainsi que la conscience des déséquilibres, inégalités et injustices qui les caractérisent depuis que les Européens ont commencé d’explorer la planète[2]  puis, forts de leur avance technique et militaire, à en coloniser, peupler et exploiter de vastes territoires. L’important, pour moi, consiste donc à envisager les enjeux des relations Nord-Sud d’un point de vue plus « politique » qu’« humanitaire ». Et d’appliquer cette grille d’analyse aux projets à mettre en œuvre pour tenter de remédier aux injustices et déséquilibres qui les déterminent encore aujourd’hui.

Une compétence essentielle dont il est important de disposer pour être à même d’évaluer des projets d’information/sensibilisation destinés à toucher un public occidental, est celle qui consiste à maîtriser les rudiments des processus de communication, notamment via les médias (incluant aujourd’hui Internet et les réseaux sociaux). Dans ce domaine également, je bénéficiais d’un expérience professionnelle, ayant été actif durant une vingtaine d’années, au sein du Centre vaudois d’éducation aux médias[3].

Et inversement, qu’est-ce que cet engagement t’a apporté ?

Outre l’approche concrète de situations et projets de soutien et de développement, j’ai beaucoup aimé le contact direct avec des personnes issues des organisations partenaires du Sud et invitées en Suisse par certaines ONG membres de la FEDEVACO. Je garde, par exemple, un excellent souvenir d’une conférence, en 2009, du dominicain brésilien Frei Betto et de ses réflexions stimulantes, débattues avec un public surpris et conquis, découvrant que marxisme et christianisme pouvaient aller de pair dans l’action en faveur de populations défavorisées et opprimées.

J’ai aussi beaucoup apprécié les journées festives – et instructives – vécues lors des anniversaires de la FEDEVACO, et généralement organisées par la CI, ainsi que les soirées conviviales et joyeuses du Marché de Noël solidaire.

Quel regard portes-tu aujourd’hui sur la coopération au développement dans le domaine de la sensibilisation et l’information en Suisse ? Quels sont, selon toi, les défis futurs des organisations ?

Si je continue de penser que des actions dans ce domaine sont toujours d’actualité, et sans doute plus nécessaires que jamais, face aux tentations de repli identitaire – voire de dérives xénophobes, sectaires et suprémacistes – que mettent en évidence certains résultats électoraux en Suisse et en Europe, j’ai, depuis plusieurs années déjà, acquis la conviction que les défis écologiques l’emportent désormais en importance et en urgence sur les enjeux altermondialistes. Ils ne sont, naturellement, pas en contradiction, puisqu’il est malheureusement vraisemblable que ce sont les populations du Sud qui seront, dans un premier temps, les principales victimes des dommages que notre mode de vie – et plus généralement notre civilisation thermo-industrielle – infligent à la planète.

Il est, à mon avis, impératif que les thématiques écologiques soient, à l’avenir, prises en compte de manière systématique dans les projets mis en œuvre par les ONG membres de la FEDEVACO, cela sans se limiter à la question climatique, même si celle-ci paraît aujourd’hui la plus urgente.

Comment vois-tu l’avenir de la Fedevaco ?

L’avenir de la FEDEVACO dépendra en grande partie de l’évolution de la politique fédérale en matière de financement de la coopération au développement, puisqu’une large part de son budget est aujourd’hui financée par la DDC. Or les tendances récentes en la matière peuvent susciter les plus vives inquiétudes : on assiste à une forme de désengagement larvé du Parlement et du Conseil Fédéral ainsi qu’à une réorientation des priorités en faveur de l’économie et de la lutte contre l’immigration, tout cela sur un air de « Switzerland first », évoquant furieusement un modèle en vogue outre-Atlantique.

Que dirais-tu aux jeunes qui se sentent des envies d’engagement et hésitent encore ?

L’engagement bénévole en faveur d’une cause altruiste – soit la volonté d’agir à son niveau, tant physiquement qu’intellectuellement, en donnant de son temps, de son énergie et de ses compétences – donne du sens et de la saveur à la vie. Il permet aussi de s’enrichir au contact de celles et ceux qui partagent les mêmes objectifs avec des points de vue et des motivations parfois différents, de vivre de nouvelles expériences. D’accroître aussi ses connaissances et perfectionner sa compréhension du monde tel qu’il va – ou ne va pas… L’action partagée permet de créer de nouveaux contacts humains, parfois de faire naître des amitiés durables.

Si tu devais résumer la Fedevaco en trois mots, quels seraient-ils ?

Bienveillance – Compétence – Sérieux.

J’ajouterais : une coopération « à la vaudoise », à taille et visage humains.


[1] Réseau d’Objection de Croissance Vaudois

[2] l’épisode historique connu en Occident sous le nom de « Grandes découvertes »

[3] le Centre d’Initiation aux Communication de Masse (CIC), absorbé, en 2002, par la HEP-VD