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04.10.2023

En bref

Date

04.10.2023

Contact

Lucie Engdahl
Responsable communication

Alexandre Cavin
Secrétaire général

Rencontre avec tous les maillons de la chaîne de partenariats

Mercredi 13 septembre, La Fedevaco a rassemblé les quatre maillons de sa chaîne de partenariats autour d’une table, afin de se rencontrer et d’échanger sur les situations actuelles dans trois pays d’Afrique et des nouveaux enjeux pour la coopération internationale.

Ces quatre maillons, réunis à Lausanne, ont été représentés par Madame Jacqueline Pellet, Conseillère Municipale à Montreux, les membres du secrétariat de la Fedevaco, Jean-François Houmard, co-directeur du Centre Écologique Albert Schweitzer (CEAS) et trois de ses collègues, chargés de projets : Boris Compaoré du Burkina Faso, Moussa Kébé du Sénégal et Paul Andrianarivo de Madagascar. Ils et elles ont partagé un moment convivial et ont échangé de vive voix sur les moyens de collaboration et de communication entre acteurs et actrices de la coopération au développement, mais aussi sur le maintien de ses activités en contextes difficiles. Une discussion qui s’est avérée fructueuse et qui a donné lieu à des pistes de réflexions et de changements intéressantes !

Rapprocher Montreux et le Burkina Faso

Comme plus de trente communes vaudoises, Montreux soutient des projets de coopération au développement via la Fedevaco. Cette année, Montreux soutient notamment le projet Bee Better du CEAS au Burkina Faso. Ce programme vise à développer la filière apicole tout en y incluant les petit·e·s producteur·trice·s, afin de leur permettre de générer un revenu et de préserver la biodiversité. Grâce à cet échange, Mme Pellet, de la Ville de Montreux, a pu directement poser des questions à M. Compaoré et obtenir des précisions de première main quant à l’avancée du projet dans le contexte du Burkina Faso. Une opportunité qui tenait à cœur à toutes les parties, habituées à des échanges de mails et de documents de suivi. Sensible à ce contact direct, la Fedevaco œuvre à rapprocher ses partenaires vaudois des acteurs et actrices des pays du Sud, en soutenant les rencontres qui favorisent la compréhension mutuelle et qui permettent de s’inspirer les uns les autres.

Comment collaborer au mieux ?

Il n’y avait donc pas meilleure occasion pour aborder la thématique de la collaboration entre les acteurs et actrices de Suisse et les équipes sur le terrain. Brièvement, les difficultés mentionnées relèvent de l’évident éloignement entre les différents maillons de la chaîne, et par conséquent, d’une compréhension lacunaire des situations des pays concernés. À l’unanimité, les coordinateurs nationaux et les représentant·e·s de la Fedevaco ont reconnu que la collaboration serait améliorée s’il y avait des contacts directs, par exemple par vidéoconférence, entre les personnes qui mettent en œuvre les projets et les personnes en charge de les analyser, voire de les financer. Ce constat rejoint la volonté marquée de la Fedevaco de créer des ponts et de rapprocher tous ses partenaires.

Comment se poursuivent les projets dans des contextes fragiles ?

Le CEAS travaille avec les populations sénégalaises, burkinabés et malgaches marginalisées. Malgré la complexité et les potentiels risques liés aux contextes, les trois projets que l’organisation développe persistent. Ces activités se maintiennent, entre autres, en s’adaptant aux obligations contextuelles et en profitant des avantages de la technologie. Dans le cas du projet d’apiculture au Burkina Faso, la situation sécuritaire rend le suivi compliqué. Les déplacements et les regroupements de personnes, ainsi que les activités de coopération internationale, sont des cibles potentielles pour les djihadistes. Le respect des consignes de sécurité et la mise en place par le gouvernement d’un système d’alerte permettent au projet de se poursuivre. Le suivi des activités est également facilité par la digitalisation du territoire, presque entièrement couvert par le réseau 4G.

Comment communiquer sur la réalité du terrain sans décourager ?

La réalité est aussi compliquée au Sénégal et à Madagascar. Sur la Côte Ouest du Sénégal, le CEAS mène un projet dans le domaine de la transformation des produits de la pêche par les femmes. La surexploitation des ressources de la mer a provoqué une chute dramatique de la quantité de poissons. Avec la découverte de gisements de pétrole et ainsi l’augmentation des zones d’exclusion pour les pêcheurs locaux, l’avenir s’annonce particulièrement sombre pour les personnes qui dépendent de ce secteur d’activité. De plus en plus de jeunes se retrouvent ainsi sans avenir, et tentent leur chance en émigrant, au péril de leur vie. Dans ce contexte de tensions, les infrastructures élaborées dans le cadre du projet du CEAS ont été touchées par les manifestations populaires, sans pour autant avoir été visées.

Quant à Madagascar, les effets du changement climatique se font sentir de manière extrême, avec des sécheresses persistantes qui alternent avec des cyclones dévastateurs. L’insécurité alimentaire est chronique dans plusieurs régions de la Grand’Île, poussant de plus en plus de personnes au bord de la famine. Alors que la majorité des fonds et des activités de coopération au développement et d’aide humanitaire se concentrent dans le Sud, le CEAS tient à rester actif dans le Moyen-Ouest, avec les populations « oubliées », selon Paul Andrianarivo.

Le découragement face à de telles situations peut être légitime, notamment pour les partenaires financiers. Toutefois, lors de cet échange, Jean-François Houmard a soulevé un point rassurant et pertinent : il n’est pas toujours possible de parler de résultats, d’impacts, ou d’atteinte des objectifs de développement durable, mais il s’agit avant tout de maintenir un filet de sécurité pour les personnes les plus démunies. Un point de vue qui se démontre à travers l’approche utilisée par le CEAS, le développement inclusif, qui veille à ne pas renforcer l’exclusion de certains pans de la société dans la quête de modernité et d’efficacité. Le CEAS développe des méthodes adaptées directement avec les personnes précarisées, grâce à des expériences sur place et de la recherche-action. Selon lui, bien qu’elle ne soit ni « vendeuse » car plus difficile à quantifier, ni particulièrement optimiste, cette approche est nécessaire pour permettre aux populations les plus marginalisées de maintenir leurs activités dans une société qui évolue vite.

Le message porté par les ONG actives dans la coopération au développement doit peut-être être questionné. Comment offrir de la redevabilité aux partenaires financiers en ne se fondant pas uniquement sur des suivis d’indicateurs chiffrés ? Comment les sensibiliser à l’importance du soutien à la coopération au développement, en ne basant pas leur appui uniquement sur des notions d’efficacité, mais également en adoptant un nouveau paradigme : la responsabilité d’œuvrer pour un monde plus vivable pour tout un chacun, et de réparer les effets délétères de nos modes de vie et de consommation. Une fois de plus, la communication entre tous les niveaux d’acteurs et d’actrices actives dans la coopération internationale revient au centre des discussions. L’échange du 13 septembre dernier a été une preuve de cet enjeu, par ce qu’il a fait émerger, par la qualité et la richesse de la discussion et par l’enthousiasme de chacune des parties. Un modèle de communication qui semble porter ses fruits et qui doit être encouragé.

Lucie Engdahl