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Prévenir la violence par l'art

Une approche développée par Médecins du Monde Suisse


L’approche Arts & violence permet d'aborder la thématique de la violence (un sujet souvent tabou) d'une manière un peu détournée, à travers d’autres moyens de communication que la discussion. Elle permet de faire connaître les différents types de violence, de faire prendre conscience aux personnes participantes qu’elles sont victimes ou autrices de pratiques violentes. L’approche cherche à faire vivre une expérience artistique aux personnes qui y participent et à leur donner des moyens de s’exprimer. 

Depuis 2016, Médecins du Monde Suisse travaille avec l'approche Arts & violence dans ses projets pour effectuer un travail de sensibilisation sur la problématique des violences. Des ateliers ont eu lieu au Mexique, au Cameroun et au Bénin et plusieurs moyens artistiques ont été utilisés comme des ateliers de marionnettes, d’art plastique, de slam, de cirque, de photographie, de broderie traditionnelle, d’écriture, de graffitis, de théâtre-forum, de cinéma ambulant ainsi que des installations artistiques. Forte de ces expériences et grâce aux effets positifs observés, l'organisation a mené un travail de capitalisation d'expériences pour consolider et diffuser les bonnes pratiques et ainsi améliorer la qualité des interventions en matière de prévention. De ce processus sont issues sept fiches méthodologiques disponibles en trois langues qui peuvent être utilisées par toutes les organisations actives dans le domaine de la coopération internationale et de la prévention des violences. 

Cette démarche a été soutenue par la Fedevaco dans le cadre de sa filière des projets de partage des savoirs en 2022. Elle a été présentée lors d'un atelier de restitution le 25 avril 2023 afin de mettre à disposition les outils et les personnes ou centres qui peuvent être mobilisés. 

Télécharger les fiches

Pourquoi ce binôme Art & Violence ?

Avant tout, il est important de différencier le binôme Art & violence de l’art thérapie.

  • L’Art thérapie permet de soigner les personnes à travers une pratique artistique ;
  • L’approche Art & violence utilise les moyens artistiques pour améliorer l’efficacité de la prévention.

Historiquement, Médecins du Monde Suisse a mis en œuvre différents types d’interventions pour la prévention primaire contre la violence :

  • Des campagnes de communication via les réseaux sociaux ou des campagnes radiophoniques en langues locales.
  • Des évènements grand-public impliquant les autorités locales.
  • Dans les quartiers, desrencontres avec des expert·e·s ou agent·e·s de développement communautaire ou des rencontres organisées par les membres des communautés eux-mêmes qui s’expriment et sensibilisent leurs pairs.
  • Dans les écoles, des séances avec les enseignant·e·s, directeurs·trices et responsables pédagogiques.

Médecins du Monde Suisse, comme d’autres acteurs de la coopération au développement, a constaté la difficulté de faire venir à ces séances les personnes qui n'y voient pas d'intérêt, surtout sur des thématiques sensibles telle que la violence ou la violence basée sur le genre, et a commencé à expérimenter de nouvelles méthodes.

=> L’ONG a pu prouver l’efficacité de l’approche Art & Violence comme moyen de prévention par des tests de connaissances avant et après ses interventions (pré-test et post-test) pour mesurer l’acquisition de connaissances sur ce qu’est une violence et les méthodes pour dénoncer et sortir du cycle de la violence. L’ONG et ses partenaires ont récolté des témoignages très forts de participant·e·s  sur l’impact de ces ateliers sur eux-mêmes. En comparaison avec les méthodes plus classiques, l’approche Art & Violence a montré de meilleurs résultats pour :

  • parler de la thématique de la violence (un sujet souvent tabou).
  • faire connaître les différents types de violence.
  • faire prendre conscience aux personnes présentes qu’elles sont victimes ou autrices de pratiques violentes.
  • présenter les outils à dispositions et les personnes ou centres à qui les victimes ou auteurs·trices peuvent s’adresser.
  • faire vivre une expérience aux personnes présentes et leur donner des moyens de s’exprimer.

=> L’impact à long terme se mesure soit par une baisse des violences, soit par une demande accrue de soutien : après la sensibilisation il y a davantage de demandes, ce qui démontre la prise de conscience et constitue un résultat direct. C’est pourquoi Médecins du Monde Suisse conçoit toujours ses projets avec deux volets :  la prévention et la prise en charge menées conjointement.

Quand utiliser cette approche et ses différentes méthod’Arts ?

Quels que ce soient les types de violence ou les rapports à l’art, il n’y a pas de différence flagrante entre les trois contextes (Mexique, Cameroun, Bénin). Les différents types d’art ont pu être utilisés dans les trois pays.

  • L’écriture a été considérée dans un premier temps comme quelque chose de féminin et les jeunes hommes / garçons ne voulaient pas participer.
  • La broderie traditionnelle est particulièrement adaptée lorsque, comme au Mexique, on sait qu’il y avait des victimes au sein du groupe de femmes. L’atelier de broderie a été construit comme un lieu de parole pour permettre un partage, un rapprochement entre les femmes.
  • Le théâtre forum est un bon outil s’il y a une demande pour des ateliers plus courts, notamment dans les écoles (au lieu de la dizaine de séances de 2 heures généralement proposée). C'est valable également pour des groupes plus larges, car les gens viennent pour le théâtre, ils n’ont pas besoin d’être convaincus de venir participer.

 

A retenir

  • Le public-cible des ateliers n’est pas spécifiquement les victimes de violence. L’objectif est une sensibilisation sur une thématique, l’amélioration des connaissances et une prise de conscience. On parle d’une population cible très large.
  • Dans le lot des personnes présentes à ces ateliers, une partie était aussi autrice de violence. Ces dernières n’étaient pas ciblés spécifiquement. Médecins du Monde effectue également un travail de sensibilisation avec l'approche de « masculinités positives » mais dans d'autres ateliers.
  • La première étape est d’identifier les personnes clés : par exemple, cibler les enfants des écoles via les directions ou via les réseaux communautaires, des mamans ou les points focaux des quartiers. Les invitations sont faites soit via des affiches, groupes WhatsApp, etc. Les invitations mentionnent que l’on va traiter d’« Art et violence ».
  • Réfléchir à la mixité ou non-mixité des groupes selon le contexte et le type d’art utilisé.
  • Même pour des interventions ciblées pour les enfants, impliquer les parents pour assurer une présence régulière des enfants dans les ateliers.
  • Il est important de bien choisir les lieux pour que les personnes puissent raconter et se rencontrer.
  • L’artiste doit être local, ancré dans la culture locale et sensibilisé·e au préalable aux questions de violence et en particulier de violence de genre.
  • Ne jamais laisser un·e artiste seul·e gérer le groupe. Il est essentiel d’avoir une coanimation : une·e artiste pour les aspects techniques et un·e intervenant·e capable d’accueillir la parole.
  • Lorsqu’on soulève le problème de la violence, il faut pouvoir assurer la suite pour les victimes de violence. Il faut être capable de les orienter et faire connaître les personnes clés à qui demander de l’aide, et ne pas utiliser cette approche si on ne peut pas offrir un suivi. Cependant, ce suivi peut aussi être assuré par d’autres acteurs, l'essentiel est de pouvoir réorienter les personnes au bon endroit. 

Comment ont été élaborées ces sept fiches pédagogiques Method’Arts ?

La démarche de capitalisation a impliqué une coordinatrice générale, la référente de Médecins du Monde pour les Violences Basées sur le Genre, les 3 chargés de projets des pays concernés, les artistes, les bénéficiaires qui avaient participé aux ateliers (enfants et adultes) et les partenaires de coordination.

Tout d’abord, un travail de description des différentes étapes de chaque méthode utilisée a été mené (timing, matériel, public-cible, durée des ateliers, fréquences, etc) afin de systématiser les processus.

S’en est suivi une étape de déconstruction de chaque méthode, pour porter un avis critique.

Des ateliers de capitalisation ont été organisés par pays. Ils incluaient les accompagnateurs·trices, les équipes de projets, les bénéficiaires, parfois les directeurs·trices d’école, les artistes, associations locales, etc.

Les ateliers de capitalisation ont permis de comprendre les ressentis et vécus des uns et des autres, de faire ressortir les relations entre les différentes parties prenantes, et notamment ce qui a marqué les participant·e·s, leur point de vue sur le déroulé de l’atelier; les différentes étapes du travail des artistes, les compétences nécessaires, les besoins logistiques.

Des ressources complémentaires, des références et des études ont été intégrées dans les fiches pour appuyer les réflexions.