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08.08.2019

[5/9] Un partenaire pour remettre l'économie au service de l'homme

Son engagement commence là-bas et se poursuit ici : l’association Pain pour le prochain soutient des projets, ainsi que des enquêtes menées à l’étranger, afin d’alimenter ses campagnes de sensibilisation et son plaidoyer en Suisse. Depuis bientôt 50 ans, l’ONG œuvre pour une prise de conscience et une transition de nos sociétés vers un avenir équitable et durable.

Membre fondateur de la Fedevaco, l’association Pain pour le prochain travaille en Suisse comme à l’étranger pour une politique de développement dans les domaines du Droit à l’alimentation et de l’économie éthique. Des objectifs qui ne sauraient être atteints sans une transition profonde de nos sociétés et de chacun-e d’entre nous. Pour cela, elle soutient tant des projets de développement concrets menés par ses partenaires au Sud, que des enquêtes sur les manquements en matière des Droits humains des entreprises suisses ou multinationales dans les pays du Sud. 

L’engagement de Pain pour le prochain date de 1971 et l’a mené à tisser de nombreux liens avec des partenaires actifs aux quatre coins du monde. Cette large expérience a titillé notre curiosité. Nous avons donc approché Chantal Peyer, cheffe d’équipe entreprises et droits humains, et Daniel Tillmanns, responsable des médias et de la communication online, qui ont accepté de répondre ensemble à nos questions. 

Quand je vous dis « partenariat pour le développement durable », qu’est-ce que cela vous évoque ?

« Une économie au service de l’homme et non le contraire. Il s’agit de repenser notre relation à nous-même, aux autres et à la planète. Le changement doit partir d’une prise de conscience intérieure : nous ne sommes pas des 'homo economicus' égoïstes, faits pour la compétition, mais nous sommes des êtres de relations, capables de coopération et d’intelligence collective. 

Il s’agit ensuite de repenser les indicateurs de la richesse : remplacer le produit national brut, par le bonheur national brut, qui tient compte des externalités négatives de l’économie et prend en considération ce qui rend globalement une société équilibrée et prospère. Enfin, il s’agit d’accepter la diversité des modèles culturels et de développement. »

Selon vous, quelle est l’importance du partenariat public-privé en matière de développement durable en Suisse et/ou ailleurs ? 

« A nos yeux, les partenariats privés-publics, tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, constituent une mauvaise réponse à un vrai enjeu. Les entreprises ont une contribution importante à apporter à la durabilité et les objectifs de développement durable (ODD) le soulignent. Les entreprises doivent devenir elles-mêmes plus durables (donc modifier leur mode de production et de consommation), devenir plus circulaires, et doivent mettre leur capacité d’innovation au service des défis de demain. Toutefois, les entreprises ne doivent et ne peuvent pas remplacer les autorités publiques. Celles-ci doivent définir les conditions-cadres de la durabilité, les conditions non négociables qui nous permettront de laisser une planète intègre et une société heureuse à nos enfants. Or, trop souvent, les partenariats privés-publics sont une parade pour masquer la démission du politique. »

Qu’est-ce qui, à votre avis, fait la particularité des partenariats de Pain pour le prochain, au niveau des projets soutenus, mais aussi au niveau du travail de plaidoyer en Suisse ? 

« Nous travaillons avec des partenaires profondément ancrés dans leur région et avec une grande expertise du climat politique et socioéconomique. Certains développent des réseaux de monitoring, des radios locales, des banques de connaissances dans le but de partager le savoir et de collecter un maximum d’informations sur les cas de violations de l’environnement et des droits humains. Nous compilons ces informations pour en faire des rapports explicites. Ceux-ci vont soutenir notre travail de sensibilisation et de plaidoyer en Suisse et appuyer les demandes de réparation de nos partenaires et des populations impactées.

Ces partenariats, basés sur des objectifs communs de changements concrets et structurels, nous permettent d’être actifs dans le domaine de l’extraction minière en République Démocratique du Congo, des mines de charbons en Afrique du Sud, de l’accaparement des terres en Indonésie, des chaînes d’approvisionnement de l’industrie électronique en Chine ou de l’industrie du textile au Bangladesh. Au Liberia par exemple, nous soutenons une ONG avec laquelle nous avons effectué une enquête très approfondie quant à l’impact d’une entreprise d’exportation de caoutchouc. La firme a déplacé des villages sans le consentement libre et éclairé des villageois, parfois sans réelle consultation, voire avec des violences. La firme libérienne revend 100% de sa production à une entreprise de trading basée en Suisse. En publiant un rapport sur les activités et violations de droits humains de cette firme, nous sensibilisons l’opinion publique suisse sur l’origine de notre caoutchouc et nous appuyons les demandes de nos partenaires et des populations impactées auprès de la firme. »

Pour vos projets en Suisse, vous avez un fonctionnement en réseau, notamment pour vos campagnes œcuméniques ou encore pour vos actions de plaidoyer pour des multinationales responsables. Quelles sont les forces et faiblesses qui découlent d’un tel système selon vous ?

« Parmi les forces à souligner, travailler en coalition permet aux organisations d’atteindre un plus grand impact en termes de sensibilisation de l’opinion publique et de lobbying politique. Prenons l’exemple de l’initiative pour des multinationales responsables. Pain pour le prochain a été parmi les cinq initiateurs de ce projet qui réunit aujourd’hui plus de 110 organisations et associations. Grâce à ce nombre, nous atteignons près de 1,5 millions de donateurs partisans. Nous avons pu construire une campagne efficace, dont l’écho est parvenu jusqu’au parlement. En effet, face à cette mobilisation, le parlement a décidé de proposer un contre-projet à l’initiative, qui a été accepté par une grande majorité du Conseil national et qui va retourner aux Conseil des Etats en septembre 2019. Les parlementaires, tout comme différents acteurs économiques, nous l’ont clairement dit : ils estiment que l’initiative a des chances d’être acceptée par le peuple au vu du large soutien dont elle bénéficie et cela les a poussés à s’engager pour une solution au parlement. »


Notre démarche 

En 2019, la Fedevaco fête ses 30 ans. A cette occasion et en guise de remerciement à nos nombreux partenaires qui ont fait et marqué la vie de la Fedevaco, nous publions 9 portraits personnalisés de partenaires. Par cette mise en valeur originale et humaine, nous souhaitons relever nos points d’ancrages, qui aujourd’hui, nous permettent de regarder vers l’avenir.